Turion's blog

Un texte de fiction de 2002

Sombre. Seul adjectif lui venant à l'esprit, bien qu'absolument dénué de toute originalité. Une lueur dans un recoin lui fit reserrer ses doigts sur son couteau, déjà écrasé dans la poche arrière de son pantalon. Un corbeau croassa. Sa solitude s'amplifiait au fur et à mesure qu'il progressait dans la rue mal éclairée. Quelques humains pataugaient certes dans la brume, mais tous lui étaient parfaitement inconnus et donc inexistants. Il faillit se faire renverser par une ambulance, dernier signe de civilisation dans cette ambiance de chaos. Il aimerait bien être à nouveau avec son amour, avec la femme de sa vie.

La nuit s'amplifie. Peu à peu, même les dernières lumières s'éteignent, laissant l'abruti à lui-même. Abruti, de s'être aventuré là, où du moins ce sont ses réflexions primaires. Une fois dans le métro il raisonnera diféremment. Il aimerait bien être à nouveau avec sa famille, bien que son petit frère ait uriné sur ses disques de Moby.

Bien qu'il pensait être engourdi et marcher lentement, il se rendit compte qu'il venait de franchir une distance de trois blocs. Un corbeau croassa à nouveau. Il n'y a vraiment plus personne. Paradoxalement, il se rend compte que le temps où il craignait la nuit pour elle-même est passé, de même que celui où, s'étant nourri de littérature de science-fiction, il expectait un alien à chaque pas, et que donc l'absence d'humains lui faisait uniquement craindre la présence d'autres humains. Pourtant il n'a pas peur. Il sait que ses chances statistiques de décès prochain sont minimes. Néanmoins, l'angoisse persiste. Il aimerait bien être à nouveau avec ses amis, bien qu'ils l'aient trahi et trompé maintes fois.

L'ignoble abruti n'ayant pas placé d'éclairages dans cette rue mériterait d'y vivre. Un éternuement. Sa vision s'est adaptée à la nuit, son ouïe de même, ce qui ne fait que renforcer sa terreur. Il aimerait bien être à nouveau entouré de sombres idiots malodorants. Il y a à peine quelques instants, il était empli de théories de critiques sociales, la solitude la plus totale l'attirait, il voulait éviter toute présence humaine.

Pourtant, la question de fond n'est toujours pas répondue : est-ce l'absence d'humains qu'il craint, où leur présence possible ? Dans le deuxiéme cas, comment expliquer que paradoxalement ce soient des humains qu'il ait envie de voir ? Peut-être est-il temps pour lui d'oublier les généralisations hâtives, et simplement de différencier les humains sympathiques des inconnus.

Toutefois, cette pensée ne fait qu'effleurer son esprit, sans s'y accrocher. D'ailleurs, à quoi une telle sous-catégorisation lui servirait-elle, puisque lui-même est conscient du fait que pour nombre d'autres êtres humains lui-même a basculé d'une catégorie à l'autre ?

Heureusement, il a dépassé partiellement le stade d'affection maternelle puérile, la manière désabusée avec laquelle il vit sa vie d'adulte devrait en constituer la preuve. Il n'espère plus grand chose de cette sociéte, et pourtant, il sait qu'au fond de lui il l'aime, qu'il aimerait bien la voir vivre et survivre. Il sait que la perte qui s'abat sur elle est amplement méritée, il est conscient de la faiblesse humaine généralisée qui est à la source de la décadence. Il sait que l'humanité, avant d'être pourrie de l'extérieur, s'est pourrie de l'intérieur.

2006-12-27

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