Turion's blog

Dé-poser les questions

Une étape importante du développement personnel est, je crois, d'apprendre à dé-poser les questions. Se rendre compte que la plupart des questions auxquelles d'aucuns tentent de nous extirper une réponse sont des questions complexes.

Un exemple de questions auxquelles il ne convient que rarement de répondre sont les Pour ou contre : pour ou contre quoi ? Ces questions sont toujours posées sans expliciter ce qu'elles impliquent. Ça m'a toujours dérangé. C'est dans Le Journal de Mickey, je crois, qu'il y en avait chaque semaine un exemple flagrant, du genre « pour ou contre prendre un goûter à l'école ». Mais pour ou contre quoi ? Le faire soi-même ? Ou tabasser à coups d'extincteur ceux qui ne le font pas ?

Les débats à la high school étaient du même acabit. Et visiblement, même les adultes ont de la peine. Pour ou contre telle ou telle guerre, par exemple, qu'est-ce que ça veut dire ? Être « contre la guerre », c'est à peu près aussi facile, ridicule et méprisable que d'être contre le fascisme ou le SIDA (pourquoi ne pas plutôt être sûr de ne rien oublier et porter un badge « contre la méchanceté et la violence » et un autre « contre la souffrance ») ?

Or, en général, les bélligerants ne font pas la guerre pour faire la guerre, mais pour la finir, en la gagnant. Eux aussi sont donc contre la guerre. Et dans la mesure où les « guerres » contre lesquelles il est de bon ton de manifester sont généralement des interventions d'une tierce partie dans une guerre qui a déjà lieu (ne serait-ce que « guerre civile »), personne n'est contre ou pour telle ou telle guerre, ou alors tout le monde est à la fois pour et contre.

Faut-il préciser que cela vaut pour la plupart des questions politiques qui peuvent se poser ? Il y a ceux qui sont « contre l'UDC », « contre le racisme », « contre telle ou telle initiative », etc. Les votations sont généralement autant d'exemples de questions complexes.

Un autre exemple plus ou moins d'actualité, pour ou contre le mariage gay ? À nouveau, la question ne nous dit pas s'il est question d'en conclure un soi-même, ou de tabasser à coups d'extincteur tous ceux qui veulent en conclure un, ou toute position intermédiaire (l'autoriser et forcer tout le monde à l'approuver et ne pas discriminer contre, l'interdire et en profiter pour pendre les homosexuels, etc).

Un individu civilisé ne répond donc pas à cette question. Un individu civilisé ne comprend pas la question, telle qu'elle est posée, en fait. C'est un peu comme si on lui demandait « Pour ou contre que Gina mange une tarte au citron au dessert? »

Bien sûr, dans ce genre de cas, l'implication principale de la question est bien « est-il légitime que l'État empêche certains individus de conclure certains contrats? » Et non « trouvez vous ça génial » ou « allez vous le faire ». Mais la formulation vague de la question permet justement de jouer sur les différents sens.

C'est bien sur la confusion qu'implique la question que joue Justin Raimondo. Il nous explique que le mariage c'est nul (et alors ?), que c'est pour faire des gosses (et alors ?), et que de toute façon les gays vont pas en profiter (et alors ?). Et que « the advent of gay marriage would mean extending the reach of the State over the private lives of individuals ».

Cette dernière position est particulièrement absurde, puisque vu qu'il n'est nullement question de forcer quiconque à se marier, c'est bien une option de se protéger légalement contre certains vandalismes qui serait laissée à davantage d'individus. En quoi est-ce une ingérence accrue de l'État ?

Avec l'imbrication des différentes ingérences de l'État, le mariage implique par exemple toutes sortes de façons d'échapper à certains vandalismes particuliers, par exemple en matière d'héritage. Et dans un monde où les contrats ne sont pas libres, il est bien question d'empêcher certains d'accéder à une forme donnée de contrat.

Sur la question des sans-papiers, la bonne réponse est d'abolir les papiers d'identité, plutôt que d'en donner à ceux qui n'en ont pas. De même, sur la question du « mariage gay », c'est une question qui ne devrait même pas se poser pour deux raisons :

La première, c'est que l'État n'a pas à se mêler des contrats :

An earthworm expects to find a law, a printed law, for every circumstance. Even have laws for private matters such as contracts.

Robert A. Heinlein - The Moon Is A Harsh Mistress

La seconde, c'est que comme l'a très bien compris Dame Iacub, la notion de genre n'a strictement rien à faire dans la loi. Dès le moment que la loi est censée ne pas discriminer entre hommes et femmes, alors les mots « homme » et « femme » n'ont strictement rien à faire dans la loi. Dès lors, comment la question pourrait-elle se poser ?

2008-07-13

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